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La dolce vita
13 décembre 2010

la machinisation de l'homme ds les société "du progres"

Faut il laisser mourir l’Homme et sa planète?

«Il n’y a qu’une chose que les hommes préfèrent à la liberté,
C’est l’esclavage.»

Fiodor Dostoïevski

J’avais toujours attaché à ce mot « éthique », une dimension ineffable : on ne peut décrire avec de simples mots ce qui est bien ou mal, car cela dépend de la confrontation, de l’union, du choc d’une infinité de facteurs sociaux, culturels ou politiques. J’aborderai donc certainement incomplètement, naïvement peut-être, le sujet, mais l’effleurer, alors même que se sont penchés sur le problème des monstres sacrés d’intelligence et de clairvoyance comme Kant ou Descartes, suffit à mon plaisir. Il suffit de puiser dans l’Histoire pour trouver matière à réfléchir, à se remettre en question, à constater l’ethnocentrisme (le massacre des indiens d’Amérique, la traite des noirs, les génocides), l’obscurantisme (les croisades, les bûchers, le fanatisme sectaire) ou l’égoïsme (les dictatures européennes, africaines, américaines et asiatiques, les inégalités planétaires, les mégalomanies industrielles) ou tout simplement son impuissance à savoir ce qui est bon pour lui (le développement industriel, la bombe atomique, la gestion économique – basée sur le profit, la liberté d’entreprendre, les dérégulations de marché, engendrant délocalisation, escroquerie, exploitation, inégalités – ou le génie médical – maîtrise des gênes, clonage humain, OGM, brevet sur la vie, libre ou abusive distribution de médicaments, le droit à l’euthanasie).

article à consulter sur: http://lewebpedagogique.com/tech/faut-il-laisser-mourir-lhomme-et-sa-planete/

«Le fait que les hommes tirent peu de profit des leçons de le l’Histoire,
Est la leçon la plus importante que l’Histoire nous enseigne.»

Aldous Huxley

Les idées fleurissent, menées par une prolifique et studieuse élite scientifique dont les travaux féconds ne sont considérés comme tels que lorsqu’il y a lieu de créer des marchés, des besoins, pour réaliser des profits, extrêmement souvent au sens financier du terme. Une pression considérable a amené la science (stratégie économique, recherche biologique et développement technologique) à ne plus servir l’Homme mais des hommes (présidents, PDG, gouvernements, militaires).

1. La rentabilité face au caractère insoutenable de la consommation des ressources
2. La « machinisation » de l’Homme
3. La valeur de l’individu au sein du système capitaliste
4. La nécessité de réformer

1. La rentabilité face au caractère insoutenable de la consommation des ressources

L’épuisement énergétique (ressources en énergies fossiles, conflits pour leur récupération et exploitation) et la menace climatologique (effet de serre par augmentation des émissions gazeuses) avec les conséquences que l’on sait (non pollinisation, inondations, tempêtes, non disponibilité de l’eau potable) agissent de pair pour nous entraîner vers une ère n’ayant rien à envier aux plus pessimistes anticipations. Le fait que nous en soyons arrivés là est sans doute du (en partie) à notre optimisme, mais certainement plus à notre passivité, notre manque de courage et d’abnégation, notre incapacité à nous projeter ainsi que dans notre façon d’aborder les problèmes, subjective à souhait. Nous nous organisons en fonction de nos ressources, en nous appuyant sur nos capacités (possibilité d’exploitation), de notre statut actuel (niveau de vie, géopolitique) et de nos perspectives futures (prévisions, stratégie, planification).

Une notion est devenue majeure, toutes disciplines confondues, trahissant une nécessité, un besoin d’économie des ressources sous-jacent : la rentabilité.

De même que les ingénieurs, économistes, chercheurs et mécaniciens tentent de le faire, le but de toute « sphère entrepreunariale » est d’améliorer, pour un système et contexte donnés, son rendement pour le faire tendre vers son maximum, dans le respect de certaines règles.

L’organisation, l’ordre et le rangement des ressources et des capacités sont désormais nécessaires au développement de projet, dont la complexité augmente considérablement du fait de l’ajout de gestion annexe (sécurisation de l’information, publicité, droit, veille, comptabilité analytique), ce qui conduit les castes dirigeantes à définir des méthodes (informatisation, méthode japonaise des 5S, Kaisen, méthode des potentiels métra) visant à minimiser le désordre, en agissant avec logique, propreté et en évitant le superflu.
Cependant, toute cette organisation ne conduit qu’à une harmonie illusoire, puisque, comme l’affirme le second principe de la thermodynamique :

«La variation totale d’entropie d’un système et de son milieu est toujours positive,
Et tend vers zéro pour des transformations tendant vers la réversibilité.»

Seconde loi de la thermodynamique

Nous tendons donc inéluctablement vers une sorte de « pollution » de l’univers via les phénomènes de transformation propres à la consommation et nécessaires à la survie, et sa régulation doit dépendre de mesures non seulement économiques, mais également éthiques.
En effet, d’après le géant de l’automobile Henry Ford, « une entreprise qui ne crée que de l’argent est une entreprise médiocre. »

Le fait est que nous ne pouvons nous contenter, comme nos prédécesseurs, d’utiliser les ressources à portée à travers des procédés, dans le but de vivre du mieux que nous pouvons. Nous devons nous préoccuper d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain, et prendre nos décisions en conséquence. Jean Peyrelevade, lucide, remarque que « quelque soit le taux de croissance des pays, nous avons un mode de développement incompatible avec l’état de la planète », et que nous sommes donc dans l’obligation d’ »adapter notre appareil productif (industrie) à la consommation de demain écologiquement compatible » [1].

En effet, au niveau local français, et de manière générale d’ailleurs, on remarque que la consommation progresse plus rapidement que la production, provoquant un déficit du commerce extérieur.
D’ailleurs, qu’en est-il, de cet appareil productif?

2. La « machinisation » de l’Homme

« Les systèmes économiques qui négligent les facteurs moraux et sentimentaux sont comme des statues de cire : ils ont l’air d’être vivants et pourtant il leur manque la vie de l’être en chair et en os. »
Gandhi, Lettres à l’Ashram

Nous avons, dans un souci d’efficacité, spécialiser les élites intellectuelles, pour leur permettre d’effectuer des tâches complexes et de développer des processus dans un domaine pointu donné, tandis que la classe ouvrière a été globalement automatisée. Par la division du travail (découpage en tâches fonctionnelles unitaires) ont été « machinisées » les masses laborieuses, retirant progressivement la composante polyvalente à l’homme pour l’injecter au sein de la machine même, grâce notamment au perfectionnement de la technique et au développement de l’interface « homme-machine » (ergonomie des postes de travail).

L’entrée en compétition de la machine face à l’activité humaine était alors inéluctable. En effet, puisqu’il ne viendrait pas à l’idée d’une machine de prendre des pauses, adhérer à un syndicat ou entrer en grève, sa puissance et capacité de travail dans les tâches (relativement) simples est supérieure. Dans la démarche de croissance et rentabilité inhérente au système capitaliste, il est devenu logique et même nécessaire de remplacer l’homme dans le secteur primaire. La question posée, qui n’aurait su apparaître sans le recul liée à l’analyse éthique, est la suivante : est-il moral de supprimer des postes au nom d’une politique économique?

Non? Hélas, si la réponse éthiquement appropriée semble négative, les rouages industriels se disloqueraient si l’automatisation n’était pas globalement permise, causée simplement par l’augmentation de la demande en quantité (productivité), qualité (répétabilité d’une opération, fiabilité) et fréquence (capacité de travail, optimisation des processus), augmentant conjointement aux besoins (réels ou créés artificiellement) et au pouvoir d’achat (régulable en partie « étatiquement »).

Mais cette « machinisation » n’est pas sans conséquence, elle conduit à une dépossession (non pas au sens marxiste du terme) effective de l’ouvrier, physique et morale (perte momentanée de sa capacité à concevoir, créer, suppression d’une forme de son existence sociale, impossibilité de subvenir à ses besoins).

Cependant, privant l’homme de tâches répétitives, elle lui retire son animalité (au sens cartésien) et lui confère la possibilité d’accéder à une certaine forme d’épanouissement. Je m’explique, aidé de Marx : le travail confié aux machines est vraisemblablement « extérieur à l’ouvrier », aliéné et aliénant, car l’ouvrier n’y « déploie pas une libre énergie physique et intellectuelle » ; il est un moyen, « dans lequel [il] se dépossède, est sacrifice de soi ».[2]

Cet engourdissement de l’ouvrier parcellaire, est également exprimé par Adam Smith : « Un homme qui passe toute sa vie à remplir un petit nombre d’opérations simples […] n’a pas lieu de développer son intelligence ni d’exercer son imagination […] et devient en général aussi stupide et aussi ignorant qu’il soit possible à une créature humaine de le devenir » car « l’uniformité de sa vie sédentaire corrompt naturellement et abat son courage. »[3]

Certes, dans certains pays peu regardants sur les droits de l’Homme, des formes de pseudo esclavagisme sévissent encore. La démarche de délocalisation des industries elle-même constitue une preuve de la persistance d’une classe ouvrière, mais ceci ne peut être que temporaire. En effet, il est intolérable éthiquement qu’un être humain soit exploité au point qu’il puisse rivaliser avec une machine en tant qu’outil de production industrielle de moyenne ou grande série. Dès lors que le pays sera suffisamment développé ou via l’intervention d’organismes internationaux, des formes de résistance syndicale apparaîtront, obligeant le patronat à améliorer progressivement les conditions de travail de l’ouvrier. Cela finira évidement à terme par justifier le remplacement de ce dernier par un automate.

L’autre alternative à une telle « machinisation » serait un équilibre global des demandes ouvrières en matière de salaire et de conditions de travail, lesquelles demandes seraient inférieures en coût à celles des machines à productivité et qualité égales, ce qui semble improbable.

Mais cette « machinisation » massive entraîne-t-elle une suppression des emplois, ce qui contredit justement l’adage productique d’Helmut Schmidt selon lequel « les investissements d’aujourd’hui sont les profits de demain et les emplois d’après demain »  ou provoque-t-elle un glissement de ces derniers du secteur primaire au secteur tertiaire?

3. La valeur de l’individu au sein du système capitaliste

Il y a donc une double nécessité : il faut que l’Homme possède un travail, et que ce travail ne soit pas aliénant. Qu’on ne prétexte pas une éventuelle prédisposition au travail répétitif! Il existe certes des individus à prédominance intellectuelle (scientifiques, artistes ou littéraires) ou manuelle (artisans, créateurs, bricoleurs), mais il serait hypocrite d’affirmer qu’il est possible de s’épanouir dans le martelage quotidien de tôle d’acier.

L’estime de l’individu, qui passe par une interrogation sur sa faculté d’entendement (droit à l’épanouissement), son unicité (respect, revendication, droit à la différence) et sa relation à dieu (existence de la raison, de l’âme), est implicitement au centre des considérations industrielles. En effet, l’exploitation de l’homme par les cellules entrepreneuriales qu’il a conçues est régie, et ces limites juridiques ne sont qu’une forme primaire de réponse à la question fondamentale suivante :
Jusqu’à quel point peut-on considérer l’Homme comme une simple ressource?

Ici peuvent commencer les difficultés, puisque la réponse requiert une part de métaphysique, mais, puisqu’il s’agit d’une approche philosophique infondée qui tient plus de l’exercice de pensée que l’expérience, je ne la développerais pas ici.
L’affranchissement de la condition ouvrière me semble inéluctable et souhaitable, et donc l’Homme doit se renouveler et récupérer un travail, mais non pas le travail que lui enlèvent le profit et l’automatisation. En se privant du travail ouvrier, on redonne une certaine noblesse à l’être humain, on lui propose de redevenir celui qui ruse, pense, analyse, raisonne et juge.

L’inaptitude du capitalisme à s’accorder à l’éthique, pour ne pas mentionner les immenses autres dommages (bouleversement climatique, pollution de l’atmosphère, des eaux, inégalités, escroqueries, plans sociaux), avait été clairement entrevue par Marx, qui observait dans ses
Manuscrits de 1844, prémisse de la loi de baisse tendancielle du taux de profit [4] :
« L’ouvrier devient d’autant plus pauvre qu’il produit plus de richesse, que sa production croit en puissance et en volume. »[5]

Pourtant, force est de constater que ce régime capitaliste, contrairement à l’ensemble de ses concurrents (ou presque), perdure. Selon Smith, « les lois du marché, associées au caractère égoïste des agents économiques, conduisent à un résultat inattendu : l’harmonie sociale. La confrontation des intérêts individuels mène naturellement à la concurrence, et cette dernière amène les individus à produire ce dont la société a besoin. »[3]

Les gouvernements, populations et sociétés des pays industrialisés semblent tellement peu concernés par la détérioration progressive de leur monde que je pense important de poser ouvertement la question :
Avons-nous le droit de ne rien faire et de continuer ainsi?

4. La nécessité de réformer

J’aime à penser, à titre personnel, que ce monde vers lequel nous glissons irrémédiablement n’est pas celui de l’accroissement des fossés inégalitaires, de l’appauvrissement humain et celui de la disparition des rapports socioprofessionnels. Il doit être celui de la prise de conscience de la civilisation occidentale de son incapacité, de son échec même à établir un monde meilleur.

A mon sens, en refusant la nécessité d’une part d’établir des remaniements adéquats (possibilité de reformation professionnelle, réforme des contrats de travail), et d’autre part de supprimer les emplois dans les secteurs industriels primaires, nous avons délibérément empêché une transition indolore et adaptée aux travailleurs. Peuvent se soulever alors deux questions annexes [6] :
« Quelles sont les limites éthiquement concevables concernant les inégalités salariales au sein d’une entreprise?
Une entreprise faisant des profits a-t-elle le droit de licencier? »

Ces deux questions, sans doute liées, ne sont en fait que le reflet d’un décalage entre les libertés générées par le capitalisme (dérégulation, liberté d’entreprendre, de délocaliser) et les devoirs moraux ( pas d’exploitation abusive, partage des ressources, respect de l’individu). Elle est le combat d’un droit légal face à un devoir moral.

On peut donc légitimement s’interroger sur les activités à entreprendre : « quelles sont les ressources technologiques à développer pour fabriquer [un] modèle de production adapté à la consommation de demain ? » et « [comment] construire [un] modèle de consommation compatible avec l’état de la planète ? »[1]

Edgar Morin soulignait, le 2 Janvier 2008, « que l’Occident en général et l’Europe ont développé surtout le côté matériel et technique de la civilisation, et ont sous-développé tout ce qui concerne l’âme, l’esprit, la relation avec soi-même et avec autrui. »[7] Il y a nécessité de mener « une politique de civilisation » globale, qui n’est autre qu’une réforme politique, économique et sociale visant à rétablir l’équilibre que nous (la société occidentale) avons, en à peine deux siècles, délibérément bouleversé, pour ne pas dire détruit.

Je vois l’espèce humaine comme le cerveau d’une entité « homme-machine », visant à créer, innover dans le respect d’un grand nombre de lois. La difficulté majeure ne réside pas tant dans la définition des lois qu’en la capacité créatrice, elle est dans le respect de celles-ci pour servir les objectifs. Car, quels sont-ils, les objectifs?

Devons nous raisonner individuellement, nationalement, mondialement? Faut-il devenir plus riche que son prochain, technologiquement plus puissant que le continent voisin ou essayer d’entretenir l’équilibre de la biosphère et limiter le gaspillage de ressources limitées?
Je ne sais pas si l’Homme est suffisamment mature, objectif et courageux pour considérer qu’il s’est trompé, qu’il est entré dans une phase de « capitalisme total » [8], qu’il n’a engendré ni le bonheur de son prochain, ni le sien, qu’il est en train d’accroître les inégalités, de détruire sa planète. Réalise-t-il que la rareté des ressources va déboucher sur des conflits?

Vous pouvez certes rétorquer que l’Histoire toute entière n’est que la résultante de conflits, guerres et conquêtes générées par l’indisponibilité de ressources. Mais les données ont changé, il n’est plus question de raisonner nationalement, ni même au niveau continental. L’Humain est une espèce, qui d’ici peu, si elle ne parvient pas à réguler ses dépenses énergétiques, va disparaître, et ce serait (ce n’est que mon avis) énormément dommage qu’en un siècle, nous sacrifions des milliers d’années d’accumulations d’expériences, de connaissances, d’inventions et de passion. Il est de notre devoir moral de suivre et critiquer les conseils éclairés de personnalités qui nous montrent la voie vers changement. Un vaste chantier industriel (dépense énergétique, partage des ressources), technologique (exploitation du solaire, nucléaire de troisième génération, structure et réglementation informatique, relance de la conquête spatiale [9]), économique (valeur du capital, mode de croissance), politique (rôle, maîtrise dans l’économie et l’industrie, élimination ou limitation de la corruption, réforme de l’éducation [10], réforme de la politique de consommation) et social (prise de conscience de l’imminence des pénuries, de l’abrutissement télévisuel, du gaspillage, de la surconsommation, et, surtout, recherche et mise en œuvre des éventuelles solutions) nous attend, et il faut s’organiser dès maintenant afin d’espérer vivre un XXIème siècle des Lumières.

Le progrès : vecteur de crainte, d’admiration et d’espérance

Il en va de nos jours des progrès biologiques comme hier de l’électricité : les bonds de géant pour l’humanité, souvent franchis dans l’indifférence générale, inspirent tour à tour la fascination et la crainte.

Emporté par l’essor de ses propres inventions, l’Homme est parfois frappé de stupeur à la vue des retombées qu’il a involontairement générées. Qu’il s’agisse de la maîtrise de la technologie atomique, du protocole Internet, ou encore des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), nous constatons avec quelle prudence et œil critique il est nécessaire d’accueillir toute avancée.

Cette critique ne doit pourtant pas sombrer dans un conservatisme frileux. Les avancées se font généralement au gré du hasard, et il est alors impossible de prédire avec certitude ne serait-ce que le type d’applications envisageables. On se contente de l’imaginer, pensivement.

Les applications naissent alors peu à peu, se précisent, puis parfois s’emballent, prenant de vitesse les formes de réglementations et droits. Les exemples concrets sont nombreux, étroitement liés à l’innovation technologique : biologie (clonage, brevets sur la vie), sciences de l’information (propriété intellectuelle, droit à l’expression et développement commercial internautes).

J’aimerais développer un peu plus précisément chacun de ces points.
Je vais écrire et publier tour à tour chacun des articles, qui, s’ils peuvent être considérer comme des sous-catégories, constituent selon moi des sujets à part entière.

Voici le premier volet :

Biologie et technologie font-ils bon ménage?

Biologie et technologie font-ils bon ménage?

Lorsque la biologie et la technologie œuvrent de concert, elles s’attaquent aux fondements même de notre conception de l’individu et donc à l’éthique, nous obligeant à reconsidérer les libertés, les droits et les devoirs de chacun.

Tout comme les débats métaphysiques sur l’égalité entre les races humaines, notamment entre noirs et blancs (ou encore entre les hommes et les animaux au temps de Buffon et Condillac) avaient secoué les mentalités, nous devons nous attendre, en ces temps de progrès médical, biologique et pharmaceutique, à des considérations similaires vis à vis de l’Homme « modifié », « réparé » ou « augmenté », pour reprendre les expressions de Joël De Rosnay[1].

En effet, très probablement au cours de ce XXIème siècle, nous pourrons voir apparaître des individus qui ne seront non seulement plus « d’origine » (greffes, prothèses) mais de plus qui posséderont une composante technologique (implants, puces, nanotechnologies) offrant une valeur ajoutée à l’individu.

Certainement, des questionnements sur l’identité même de l’individu surgiront, car il sera forcément perçu comme différent de sa personne première. On peut ainsi imaginer l’émergence de classes supérieures et inférieures, pouvant possiblement aboutir à un mépris envers ceux qui n’ont pas leurs capacités ou à l’inverse une sorte de racisme des humains « originaux » à leur égard.

On peut concevoir ici la difficulté de présumer de l’évolution des mentalités en matière de jugement d’un tel individu. Cela dépendra de facteurs socio-culturels, de la nature même de l’intégration des technologies à la personne humaine ainsi que de l’accessibilité à la population, des performances obtenues ou encore du succès (vitesse de propagation du phénomène en terme démographique) d’une telle intégration.

Par exemple, lorsque nous remplaçons une à une les pièces de notre voiture, à quel moment cesse-t-elle d’être la voiture d’origine?

Élargissons maintenant la question à l’Homme : Qu’est ce qui confère à un être son statut d’individu? En raisonnant scientifiquement sans passer par des considérations religieuses et métaphysiques sur l’âme qui compliqueraient encore le problème, on aura tôt fait de répondre : le cerveau. Certes… encore que la représentation physique est une partie importante de l’individu, non?

Soit, le cerveau. Mais encore plus précisément? Ses souvenirs? Le lobe temporal donc! Ou alors notre capacité à défendre des idées et ce qui fait que nous avons une personnalité, qui est le lobe frontal? Mais la personnalité n’est elle pas aussi du à ses capacités sensorielles? Or, si c’est le cerveau qui « contient » les informations relatives à tel ou telle sensation, encore faut-il, pour pouvoir les ressentir, avoir les capteurs adaptés, ce qui tendrait à affirmer que notre personnalité est inextricablement lié au système sensoriel même.

Pas si facile que ça de démembrer l’individu, donc…

On peut s’interroger également sur les réglementations à mettre en vigueur. L’expansion juridique doit, à mon sens, se faire conjointement à l’expansion technologique. Mais doit-elle pour autant la précéder? Une confiance aveugle en l’espèce humaine est sans doute un comportement utopiste et déraisonnable, mais il me semble très difficile de parvenir à la brider sans susciter d’importantes tensions et sans provoquer l’apparition d’une science non éthique et souterraine, ce qui peut être plus dangereux.

Pourtant, il m’apparait plus que jamais nécessaire d’instaurer un contrôle par le biais d’organismes assermentés à rayonnement mondiaux, bien que cela implique les difficultés propres à la réglementation internationale (respect des droits nationaux, crainte de voir son pays affaibli en livrant des informations à la concurrence, différence culturelle, …) et de réglementer avec un retour du corps politique sur la scène internationale, afin de veiller scrupuleusement et d’accompagner efficacement les prouesses techno-biologiques qui, à coup sûr, modifieront profondément et à jamais le visage de notre monde.

[1] L’homme en pièces détachées est-il toujours humain? , Joël De Rosnay, 2007

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